Jean-Baptiste PERRIER
La transaction en matière pénale
Le prix Vendôme 2013 (Ministère de la Justice / Mission de recherche Droit et Justice) a été décerné à Jean-Baptiste Perrier pour sa thèse sur « La transaction en matière pénale », effectuée sous la direction de Sylvie Cimamonti, professeure à Aix-Marseille Université.
Ce travail de recherche doit paraître aux éditions LGDJ, « Bibliothèque de sciences criminelles », en avril 2014.
- Parcours de Jean-Baptiste Perrier
J’ai suivi toute ma scolarité, notamment un Master recherche « Matière pénale », au sein de la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence. Au cours de mes années de doctorat, j’ai assumé les fonctions de chargé d’enseignements au sein de cette Faculté, avant d’y être ATER. J’ai eu aussi le plaisir de pouvoir diversifier mes thèmes de recherche et de travailler notamment sur la question prioritaire de constitutionnalité, dans la matière pénale comme en dehors.
Qualifié pour ces fonctions en 2013 (Section 01), je suis aujourd’hui Maître de conférences à l’Université d’Auvergne.
- Présentation de la thèse
L’idée d’une étude transversale portant sur La transaction en matière pénale est née d’un constat : alors que la matière pénale fait preuve d’une attention particulière et renouvelée à l’égard de la logique transactionnelle, laquelle permet de simplifier, d’accélérer et d’apaiser le règlement des suites de l’infraction, peu d’études se sont intéressées à la « contractualité » des procédés répressifs alternatifs. Voilà donc où résidait l’enjeu d’une telle étude : appréhender la prétendue contractualisation des modes de règlement des suites de l’infraction sous l’angle des règles applicables au contrat de transaction, à travers le prisme du droit des obligations et du droit processuel. Au-delà des apparences et des qualifications octroyées, il s’agissait de déterminer, dans une démarche didactique, si le contrat de transaction peut être transposé dans la matière pénale.
Si le consensualisme semble paradoxalement innerver l’ensemble de la matière répressive, témoignant de l’attraction de la matière pénale pour la transaction, le champ de l’étude supposait d’être délimité, en ce que tous les modes de règlement des suites de l’infraction ne renvoient pas aux caractéristiques de la transaction. Pour identifier une logique transactionnelle, il est nécessaire d’identifier un procédé mettant fin au différend, de façon définitive, et ce sans recourir au juge, ou au moins aux fonctions juridictionnelles du juge. Deux procédés se distinguent alors, la transaction pénale et la composition pénale, en ce qu’ils répondent à la logique de la transaction et semblent inspirés de la technique de ce contrat. La confrontation entre les règles applicables à la transaction et celles applicables aux procédés répressifs alternatifs a ensuite permis de mettre en évidence la réception de la technique transactionnelle dans la matière pénale. En effet, les règles relatives à la détermination des obligations et aux sanctions de l’inexécution trouvent un certain écho dans la matière pénale, tout comme les règles relatives à la relativité des accords transactionnels. De même, l’effet processuel de la transaction, cet effet extinctif si remarquable, peut sans difficulté être transposé dans la matière pénale.
Ce constat fait, il convenait alors d’envisager la transposition du mécanisme contractuel dans la matière pénale ; la difficulté résidait à l’évidence dans cette introduction d’un contrat. Or, la transaction ne réussit pas l’épreuve de la matière pénale. Compte tenu du contexte répressif, si le consentement donné par l’auteur des faits n’est pas contraint, au sens de l’article 1111 du Code civil, il ne présente pas les qualités permettant d’analyser l’accord conclu comme un contrat, sans pour autant être privé d’effet. D’autre part, si l’intéressé renonce à certaines de ses prérogatives, notamment son droit de ne pas s’auto-incriminer et son droit d’accès à un juge, il n’est pas possible de considérer que les autorités et les administrations compétentes renoncent à un « droit à la sanction ». L’impossible transposition du contrat de transaction ne devait cependant pas occulter l’intérêt du mécanisme transactionnel pour la matière pénale ; elle conduisait à en rechercher une adaptation. Il convenait alors d’identifier la nature de ces mesures proposées dans une logique consensuelle ; la dynamique transactionnelle, processus interactif distingué du contrat, peut aisément être identifiée. Par ailleurs, les critères européens et constitutionnels mettent en évidence la dimension répressive de ces mesures. Leurs caractères répressif et consensuel ainsi mis en évidence, ces mesures s’analysent comme des sanctions transactionnelles.
Fondée non pas sur la matière incriminant le comportement reproché mais sur le processus au sein duquel ces sanctions sont proposées, cette nouvelle catégorie permet de rapprocher les mesures ainsi mises en œuvre. Cependant, l’harmonisation envisagée semblait se heurter à une différence existant entre la transaction pénale et la composition pénale : l’intervention d’un magistrat du siège chargé de valider l’accord conclu. L’obstacle n’est toutefois pas insurmontable : cette intervention, prévue suite à l’invalidation de l’injonction pénale par le Conseil constitutionnel, n’est pas exigée en raison du procédé lui-même mais en raison de la nature des mesures susceptibles d’être acceptées. Il est possible de délimiter les contours de cette exigence et de proposer une nouvelle distinction entre les sanctions transactionnelles selon qu’elles nécessitent ou non l’intervention du magistrat du siège. Ces considérations permettent alors de proposer une évolution du régime applicable aux procédés répressifs alternatifs, influencé par les règles applicables au contrat de transaction et respectant les exigences constitutionnelles et conventionnelles. Le régime ainsi proposé permettrait d’améliorer les dispositifs existants, dans le souci du respect des droits des intéressés, pour que ces sanctions transactionnelles soient le fruit d’un « accord équitable ».