Frédérique NIBOYET
L’ordre public matrimonial
Le prix Jean Carbonnier 2008 de la recherche sur le droit et la justice a été décerné à Frédérique Niboyet pour sa thèse « L’ordre public matrimonial ».
L’ordre public est à la croisée des chemins, entre la liberté et la contrainte, entre la restriction et la promotion des libertés, entre la stabilité et le changement, entre une logique rigoureuse et un flou mystérieux. Il est variable selon les époques et pourtant il les traverse. Derrière ces paradoxes, il exprime l’idée d’un encadrement étatique des libertés au nom de principes jugés déterminants pour le bon fonctionnement de la société.
À l’instar de l’ordre public, le mariage apparaît traditionnellement comme un pilier sur lequel repose la société. « Au cours des siècles, tout n’était pas mariage, mais tout y renvoyait, jusqu’aux transgressions plus ou moins admises, plus ou moins condamnées, des règles imposées »1. Pendant longtemps, les exigences sociales ont enfermé le droit conjugal dans un statut hiérarchisé et autoritaire où l’autonomie de la volonté n’avait pas sa place. L’ordre public familial englobait alors le statut des gens mariés. L’évolution des relations conjugales marquée par un souffle de libéralisme a entraîné l’émergence d’une notion autonome et spécifique de l’ordre public matrimonial.
Aujourd’hui, le mariage n’est plus seulement cette clé de voûte de la famille et de la société mais se veut avant tout un espace de libertés et d’épanouissement individuel. À un ordre public marital et familial est venu se substituer un nouvel ordre public matrimonial qui intègre l’égalité entre époux et est recentré sur les droits de la personne.
De fil en aiguille, et dans un contexte de « droits à », le souci de défendre le groupe conjugal devient cependant toujours plus subsidiaire, tandis que se développent les formes alternatives de conjugalité que sont le pacs et le concubinage.
Dans sa dimension collective, l’ordre public familial existe encore mais il se déplace de la sphère conjugale vers la sphère parentale. Le mariage tombe de plus en plus dans la sphère privée, car on tend à le dissocier de la filiation et de la famille. De là une perte de spécificité de l’institution et un rapprochement des modes de vie à deux. Et pourtant, le mariage ne reste-t-il pas ce modèle qui inspire les partisans d’une théorie générale du couple ?
Ces dernières années, la tendance à privilégier l’individu s’est accentuée et l’ordre public matrimonial devenu un sujet d’équilibriste. Au delà de l’instabilité législative ambiante, il s’agissait de défendre le mariage sans occulter l’évolution, sur un rythme rapide, du droit et des mœurs.
Le travail de Frédérique Niboyet est paru aux éditions LGDJ, collection Bibliothèque de droit privé, tome 494, 2008.
Jury du prix de la recherche Jean Carbonnier 2008 (lien)