Automne 2007
ISSN : 1280-1496
Télécharger la Lettre RDJ n°27
SOMMAIRE
Libre propos > François Terré
Recherches > Juridictions militaires ; le métier de procureur de la République ; conseils de prud’hommes ; juges de proximité ; compétences et identité des chefs du parquet
Équipe > Le Centre d’études et de recherches en sciences administratives (CERSA)
Dossier > Le droit du vivant (Stéphanie Hennette-Vauchez, Charlotte Girard, Christine Noiville, Valérie Sebag)
Thèse > L’animal entre science et droit
Éditorial > Yann AGUILA
Conseiller d’État, Directeur de la Mission
Réflexions sur l’enseignement du droit
Les premiers échanges au sein du conseil national du droit1 ont fait apparaître un large consensus sur le besoin d’ouverture de l’enseignement du droit. Cette nécessité, souvent soulignée dans ces colonnes, mérite d’être rappelée.
Ouverture internationale, d’abord. La maîtrise des langues étrangères et la connaissance des grands systèmes juridiques sont désormais indispensables pour s’inscrire dans la compétition mondiale. Certaines universités, comme celles de Toulouse ou d’Aix-en-Provence, organisent des enseignements en anglais. De même, à l’instar de certaines grandes écoles, des séjours à l’étranger, d’une durée de six mois à un an, devraient être plus souvent proposés aux étudiants et, surtout, validés dans les cursus universitaires, en particulier au niveau des masters.
Ouverture pluridisciplinaire, ensuite. Le juriste ne peut pas se limiter à l’étude abstraite des normes, tant il est vrai que « la science des faits est une partie de la science du droit »2. Former des juristes attentifs aux besoins de la société suppose de leur transmettre des connaissances en gestion, en économie, en sociologie ou encore en relations internationales. Le succès des doubles parcours – droit et école de commerce – en témoigne. Certaines matières, comme le droit de l’environnement ou le droit de la santé, sont indissociables des études menées en biologie, géographie, physique ou chimie…
Ouverture aux professions, enfin. Il faut renforcer la place de la pratique dans les facultés de droit. Cela passe d’abord par le développement des stages, y compris d’ailleurs dans les masters « recherche » : il ne devrait plus être possible d’accomplir cinq années d’études de droit sans jamais approcher un tribunal ou un cabinet d’avocat.
Au-delà des stages, on pense également à des méthodes d’enseignement du droit reposant davantage sur les études de cas. On a ainsi souligné l’intérêt d’un enseignement « clinique » du droit, à l’instar de ce qui se fait dans certaines écoles de droit américaines3. Dans cet esprit, on saluera par exemple l’initiative de l’université Paris 2, qui met en place un « atelier juridique », en partenariat avec le barreau de Paris, reposant sur des consultations juridiques données par un avocat assisté d’un étudiant.
Le juriste praticien participe à la construction du droit. Il lui appartient de proposer des réponses juridiques face aux innombrables questions soulevées par la vie en société. Il faut étudier ce processus, et apprendre aux étudiants à mobiliser leurs connaissances en vue de bâtir une argumentation juridique. Il faut leur donner à lire des dossiers de première instance – et non pas seulement les arrêts des juridictions suprêmes. Que les étudiants étudient des mémoires d’avocats, qu’ils examinent les pièces d’un dossier, qu’ils discutent les faits, qu’ils apprécient la valeur probante des documents produits (témoignages, factures…), qu’ils sollicitent les textes pour en tirer toutes les interprétations possibles, en recherchant les travaux préparatoires ou en évaluant, chiffres à l’appui, les incidences économiques et sociales des différentes options en présence…
Étudier le droit sans la pratique revient à apprendre le solfège sans instrument de musique. L’ouverture aux professions doit ainsi contribuer à enrichir l’enseignement du droit.
1) Ou plutôt, à l’occasion d’une réunion de préfiguration de ce conseil, tenue à la Cour de cassation le 5 octobre 2007.
2) L’expression est de Jacqueline Morand-Deviller, in Le droit de l’environnement, coll. Que sais-je ? PUF, Août 2007, p. 6.
3) Voir par exemple Norbert Olszak, « La professionnalisation des études de droit, Pour le développement d’un enseignement clinique », Recueil Dalloz, n° 18, 5 mai 2005, pp. 1172-1173.