Printemps/Été 2007
ISSN : 1280-1496
Télécharger la Lettre RDJ n°26
SOMMAIRE
Éditorial > Pénal, urbanisme et autres matières oubliées… par Yann Aguila
Libre propos > Positivisme juridique et droits de l’Homme par Michel Troper
Recherches > Juges de proximités ; détenus toxicomanes ; scolarité et déviance juvénile ; juges consulaires ; droit et économie en Bulgarie et Roumanie
Équipe > l’Association française pour l’Histoire de la Justice (Entretien avec Pierre Truche)
Dossier > Droit et Histoire (Emmanuel Cartier, Jean-Louis Halpérin, Frédéric Audren, Christophe Jamin, Jean-Louis Mestre, Jean-Claude Farcy
Thèse > La règle Ne bis in idem
Événement > Prix Vendôme, colloque Justice administrative en Europe
Notes de lecture
Actualité.
Éditorial > Yann AGUILA
Conseiller d’État, Directeur de la Mission
Pénal, urbanisme et autres matières oubliées…
Le cri d’alarme a déjà été lancé1. Il concerne la pénurie de professeurs en droit pénal. On compterait seulement 6% de pénalistes, ces quinze dernières années, à l’agrégation de droit privé.
Le droit de l’urbanisme suscite la même inquiétude. On manque aujourd’hui d’enseignants et de chercheurs dans ce secteur du droit public.
Voilà pourtant deux domaines dans lesquels existe une demande forte des praticiens. Ainsi, le ministère de la Justice vient de créer, en liaison avec la Mission de recherche, un prix de thèse en droit pénal, le prix Vendôme, marquant son intérêt pour cette matière2. Les collectivités publiques, entreprises ou associations ont, pour leur part, un grand besoin de spécialistes de droit de l’urbanisme.
Pénal et urbanisme : ces matières ne semblent pas occuper dans nos facultés une place en relation avec leur importance dans la société.
Quelle est l’origine de ce décalage ? Les jeunes chercheurs expliquent volontiers que ces thèmes ne seraient pas « porteurs » pour la carrière universitaire. Plus généralement, en choisissant un sujet de thèse trop original ou trop concret, on prendrait un risque pour la qualification par le Conseil national des universités ou pour l’agrégation. Ces inquiétudes mériteraient d’être vérifiées, statistiques à l’appui. Mais il est certain qu’une responsabilité considérable incombe aux membres du CNU et des jurys d’agrégation, qui peuvent, s’ils le souhaitent, adresser un signal fort.
C’est un tel signal que vient de donner le jury du prix Carbonnier, en attribuant le prix 2007 à la thèse de Sonia Desmoulin sur « L’animal, entre Science et Droit »3. Ce travail remarquable touche à une grande question contemporaine, sur laquelle s’interrogent les philosophes, les sociologues ou les scientifiques. Quelles réponses les juristes, pour leur part, peuvent-ils proposer ? Quel peut être le statut juridique de l’animal ? Faut-il dépasser la dichotomie traditionnelle entre les personnes et les biens ? Ou créer une catégorie de bien spécial, reposant sur la notion d’être sensible ? Telle est la réflexion conduite dans cette thèse, qui montre qu’il est possible de concilier réflexion théorique et propositions pratiques. Voilà surtout un bel exemple d’ouverture des juristes aux préoccupations de nos concitoyens.
L’ouverture : tel paraît être le mot-clé.
Ouverture, d’abord, de l’université aux professions. La création d’un Conseil national du droit, suggérée par le rapport du groupe de travail sur l’enseignement juridique4, irait dans ce sens. Au niveau local, chaque faculté de droit pourrait créer un tel organe consultatif, afin d’associer les professions juridiques et judiciaires à la vie universitaire.
Ouverture, ensuite, des professions aux universités. Pourquoi ne pas associer davantage les professeurs de droit à la vie des juridictions, en créant par exemple des fonctions de « conseillers en service extraordinaire », dans les cours d’appel et cours administratives d’appel, ouvertes aux universitaires ? Pourquoi ne pas rendre obligatoire pour tout doctorant un stage pratique de six mois dans une juridiction ou un cabinet d’avocat ? Ce ne sont que des pistes de réflexion, mais elles montrent que les possibilités de synergies sont nombreuses entre les universités et les professions.
L’image du centre hospitalier universitaire pourrait inspirer cette conception : le tribunal ne devrait-il pas devenir à la faculté de droit ce que l’hôpital est à la faculté de médecine ?