Marie-Sylvie DUPONT-BOUCHAT, Éric PIEREE (dir.)
Paris, PUF, Collection Droit et Justice, 2001, 448 p., ISBN : 9782130513384
Ce livre étudie la genèse des politiques de protection de l’enfance dans trois pays européens et au Québec. Il traite de la part de ces politiques qui trouvent leur origine dans la prose en charge des enfants par la justice et dans les institutions de correction. Il concerne donc avant tout les enfants délinquants, vagabonds et en danger. Pour ce, il a fallu retracer les étapes de la construction d’un objet – l’enfant à corriger , l’enfant à protéger – en tenant compte des différents regards portés sur lui : regard des philanthropes et des réformateurs des prisons, regard du droit, et enfin celui des institutions qui le prennent en charge. Notre travail tente donc d’étudier à la fois les lois et les évolutions de la jurisprudence, les représentations de l’enfance délinquante et plus largement déviante, les pratiques des établissements. Il s’intéresse au rôle des États dans ce domaine. Les auteurs ont tenté de croiser les problématiques nationales sur près d’un siècle, car les politiques de l’enfance s’élaborent d’abord dans le cadre des États et des communautés nationales, mais aussi de prendre en compte les espaces de réflexion collective transnationaux (les congrès, les revues) et la circulation des idée et des expériences par-delà les frontières. Ce travail se conclut par une réflexion sur les difficultés (et les insécurités) de l’histoire comparative. L’équipe ayant participé à la conception de ce livre est pluridisciplinaire : elle comporte surtout des historiens (du social, de l’éducation, du droit), mais aussi des juristes et criminologues.
Marie-Sylvie Dupont-BUCHAT, professeur à l’Université Catholique de Louvain (Belgique), Centre d’histoire du Droit et de la Justice, a publié de nombreux livres et articles sur l’histoire de la justice pénale, de la criminalité, de la prison, dont un ouvrage sur l’histoire des pénitenciers pour enfants en Belgique (De la prison à l’école, 1996).
Éric Pierre, maître de conférences à l’Université d’Angers, Centre d’histoire des régulations et des politiques sociales (Hires), travaille sur la délinquance juvénile et sa répression, sous ses aspects juridiques, institutionnels et sociaux, et mène également des travaux sur la philanthropie et l’émergence des politiques sociales.
Compte rendu critique
Le travail collectif dont ce livre est issu avait déjà donné lieu à la publication d’un rapport qui a servi de base à la présente publication. Le texte originel a été complété et les coordinateurs de la publication ont accompli un beau travail de réécriture qui donne au livre une unité de ton que le rapport n’avait pas. L’ouvrage traite de la genèse des politiques de prise en charge des enfants délinquants par la justice et, notamment, de la naissance des institutions correctives. Il comporte deux parties fondées sur une division chronologique. Le premier moment (1820/1870) est celui de la prison, de « l’enfant corrigé », moralisé par la colonie agricole ; le second voit, dans les années 1870/1880, face à l’échec de ces stratégies de moralisation, se développer des alternatives protectrices et préventives. La première partie s’ouvre sur la présentation de quelques hommes parmi ceux qui ont pensé et parfois réalisé les institutions pour enfants de justice, comme le Français Lucas, le Belge Ducpétiaux, le Néerlandais de Bye ou le Québécois Nelson. Les auteurs, fidèles à leur problématique comparatiste, rendent ensuite compte des débats d’idées sur le plan international. Cette première partie se clôt sur un chapitre intitulé « Construire des établissements pour les jeunes détenus », où l’on passe de l’examen des discours à celui des pratiques. Après une introduction consacrée au nouveau regard porté sur l’enfance et la famille, la seconde partie reprend, dans son premier chapitre, l’analyse de la vie quelque peu erratique des établissements. La production législative des différents pays, excellent indicateur des convergences et des spécificités des politiques de protection de l’enfance, est ensuite passée au crible. Le dernier chapitre, qui étudie le mouvement international de protection de l’enfance, reprend pour le XXe siècle commençant, la démarche utilisée dans le second chapitre pour le premier XIXe siècle. Enfin, dans une postface, Jean-Marie Fecteau s’interroge sur les pièges d’une histoire comparative. Pour conclure, nous dirons que non seulement « Enfance et justice au XIXe siècle » propose au professionnel du secteur la meilleure synthèse possible mais il offre à l’historien un panorama quasi exhaustif des connaissances disponibles et donc des travaux qui restent à réaliser.
Jean-Jacques Yvorel
CNFE- Protection judiciaire de la jeunesse